Il y a des moments comme cela où l’on se dit que, tout compte fait, il n’est pas vraiment enviable d’avoir occupé certains postes à responsabilités. Avoir été par exemple Président de la république, cette semaine… Quelle cata !
Cela a commencé dès le premier jour de la semaine, lundi donc. Paris, tribunal correctionnel, l’ancien président de 2007 à 2012 comparait pour corruption et trafic d’influence. Après un faux départ le lundi précédent, le procès a donc bien commencé. En attendant les prochaines audiences en 2021 avec, entre autre, pour chef d’inculpation « association de malfaiteurs », et malgré tous les recours procéduraux possibles, tous rejetés, l’ex chef de l’État n’a pu échapper au ban d’infamie, entrainant dans sa chute son avocat (Me Thierry Herzog) et un ancien haut magistrat de la Cour de cassation (Gilbert Azibert qui dans une ultime manœuvre a essayé de se faire porter pâle…).
Sur les bancs du public, de très nombreux avocats, en robe, venus soutenir leur confrères, pourtant en bien délicate posture. En janvier dernier, les avocats jetaient leur robe au sol pour protester contre la réforme des retraites. Maintenant, ils la reprennent pour faire une sorte de pression sur le tribunal… Cela ne vous rappelle-t-il pas les bancs du public pendant les procès d’Émile Zola lors de l’Affaire Dreyfus ? Bancs bien occupés alors par de nombreux militaires en uniforme… L’histoire a jugé de quel côté se situait la vérité et l’honneur. Le procès va se poursuivre et l’on attend avec gourmandises Paul Bismuth nous expliquant la pureté de ses intentions quand, sur un téléphone acheté sous un faux nom, il envisage de faciliter la promotion d’un magistrat en échange de signalés services, hors de toute règles… Si cela n’est pas de la corruption, cela y ressemble bigrement.
Deux décembre 2020, mercredi de cette même semaine, l’ex jeune président, descendant, par l’escalier de service, de Louis XV, l’homme au bouquet garni (Anne-Aymone, Jacinthe et Valérie-Anne) qui voulait regarder la France des yeux, l’homme dont le Général de Gaulle dit une fois en conseil des ministres « d’Estaing, c’est un beau nom d’emprunt » (1), VGE donc, Président de la République de 1974 à 1981 nous a quitté, frappé de vieillesse (94 ans ans) et de COVID. Hasard du calendrier, le 2 décembre 1852, Louis-Napoléon Bonaparte, Président de la République également, faisait un coup d’État et se proclamait Empereur. Deux décembre 2020, Valérie Giscard d’Estaing se contentera lui d’un coup de mou.
Plus efficace que Jacques Chirac qui fut son Premier ministre et son meilleur ennemi, Valéry Giscard d’Estaing eut deux années, les deux premières de son septennat, durant lesquelles, souvent avec l’appui de la gauche, il fit passer des mesures progressistes (abaissement de la majorité à 18 ans, réforme du divorce par consentement mutuel – avant, on l’a oublié, les couples voulant divorcer devait s’inventer des lettres d’injures – loi sur l’avortement… ). Deux années sur 94, cela est mieux que rien, mais demeure un faible bilan. En dehors, on retiendra surtout l’homme aux effets de com (le pull-over, l’accordéon, les repas chez l’habitant, le petit déjeuner avec les éboueurs), les petites phrases (« Je veux regarder la France au fond des yeux », « Vous n’avez pas le monopole du cœur », « J’ai jeté la rancune à la rivière »…) et le grand bourgeois (les chasses et safaris (2), les diamants…).
Dure semaine donc pour les ex-locataires du 55 de la rue du Faubourg-Saint-Honoré. Désormais, il n’en reste plus que deux : Nicolas Sarkozy et François Hollande. Heureusement pour NS, la peine de mort a été abolie par François Mitterrand et Robert Badinter en 1981 (VGE, qui disait pourtant avoir une « aversion profonde » pour ce châtiment, fit tout de même raccourcir trois condamnés, dont Christian Ranucci dont on n’est toujours pas certain de la culpabilité). Courage Nicolas, même si ta condamnation est sévère, ton Noël ne sentira pas le sapin !
Et maintenant, c’est le moment de vous dire :
(1) – Ministre des finances, Giscard a été le promoteur d’un emprunt , une catastrophe économique car gagé sur le Napoléon (pièce de 20 francs or à valeur très spéculative) et non sur l’once d’or. Par ailleurs le général faisait allusion aux prétentions nobiliaires de la famille Giscard qui s’est évertuée à acheter le titre d’Estaing.
(2) – Quand, Le vendredi 3 octobre 1980, une explosion eut lieu à la porte de la synagogue de la rue Copernic, à Paris, provoquant la mort de quatre passants, Giscard est resté invisible et muet jusqu’au surlendemain : il était à la chasse au gros. Son Premier ministre, Raymond Barre, dut assurer le service et déclara : « Cet attentat odieux a voulu frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue, il a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic. »
Je partage ton point de vue sévère sur ces deux présidents.
Toutefois, je te trouve excessif avec VGE, surtout quand tu mets en doute son sens musical. Pour ma part, j’étais sensible à la chaude ambiance qu’il créait lorsqu’il s’emparait de son accordéon. Ce sens artistique n’est pas donné à tout le monde.
C’est sympa d’avoir rappelé l’assistance militaire au procès Dreyfus