Bien scotché dans mes certitudes de soixante-huitard (que d’aucun trouvait même attardé), je pensais être à l’abri de ce mal insidieux que l’on pourrait appeler « Cétaitmieuxavant » également nommé « DemontempsMonsieur ». Sincèrement, je trouve plus agréable de faire mes courses sur ma tablette, vautré sur mon canapé, puis livré, peinard, à l’heure choisie, que de perdre deux heures dans les travées d’un Mammouth ou d’un Continent pour finir devant une caissière forcément aigrie après huit heures d’un travail aussi répétitif qu’inintéressant. Non, ça n’était pas mieux avant. De même, je préfère ma charcuterie bien gavée aux conservateurs que les pâtés d’antan qui étaient avariés après seulement un jour passé dans le garde-manger. Entre un très hypothétique cancer de l’intestin et une intoxication alimentaire quasi assurée, j’ai ma préférence. Non, ça n’était pas mieux avant. Non, ça n’était pas mieux avant, quand les enfants travaillaient à huit ans dans les mines, quand on n’avait que deux semaines de congés payés, quand l’espérance de vie ne dépassait pas 40 ans, quand il fallait plus de 10 heures pour faire un Paris-Brest en troisième classe dans un train en bois… Non, vraiment, ça n’était pas mieux avant.
Et pourtant, ces jours-ci je m’interroge : suis-je devenu un vieux con ? Où alors, tous ces vieux beaufs avaient-il raison ? Non, globalement, ça n’était pas mieux avant, mais tout de même, il y a une ou deux choses, pour lesquelles on constate une dérive pas vraiment satisfaisante. Prenons la presse. Quand je suivais une formation en école de journalisme (avant hier), il y avait globalement : la grande presse (parisienne), la presse quotidienne régionale (la PQR, j’aime beaucoup cet acronyme), parfois de qualité; la presse spécialisée (leChasseur français et ses fameuses petites annonces, Elle, Lui…), .. la radio-télévision d’État forcément gaullienne puis pompidolienne, puis giscardienne… et puis la presse torchon (Ici-Paris, France dimanche..). Je simplifie, mais c’était tout de même assez clair. Aujourd’hui, tout se mélange. Pour lutter contre internet, des journaux « sérieux » donnent dans le léger, le people, voir pire. Depuis de nombreuse années, par exemple, la presse news (l’Express, le Nouvel Obs, le Point…) rivalise au fil des numéros avec leur manchette racoleuses, chaque année renouvelée : Spécial francs-maçons, le salaire des cadres, le classement des hôpitaux, Spécial vin, singeant la presse féminine et ses printaniers Spécial beauté et Spécial minceur. Oui, c’était mieux avant quand on allait au kiosque chercher le dernier numéro de l’Express, qui tachait un peu les doigts, pour lire le bloc-notes de François Mauriac ou un peu plus tard le Nouvel Obs pour découvrir la dernière livraison de Jean-Paul Sarte. Oui, messieurs Barbier, Joffrin, FOG, vous n’êtes plus que des marchands de soupe ! Parce que c’est « tendance », que cela dope les ventes, le Nouvel Obs, soit disant de gauche, n’hésite pas à donner joyeusement dans le « Hollande bashing ». À l’automne 1981, tout en gardant un esprit critique, Jean Daniel soutenait les réformes initiées par François Mitterrand. Il faut dire que le siège de cet hebdo est passé de la rue d’Aboukir à la place de la Bourse. Tout un symbole… Et maintenant, la scie que toute presse confondue, écrite, parlée, télévisée veut nous fourrer dans le crâne : Sarkozy va-t-il revenir ? Quel est l’intérêt, journalistique, politique, de cette question ? La prochaine élection présidentielle se déroule dans quatre ans et demi. Il peut en couler de l’eau sous les ponts d’ici là. Et bien pourtant, voila le vrai sujet que nos journalistes modernes trouvent indispensable de développer. Le nain de Neuilly avec sa barbe de trois jours ; voilà l’info. La banalisation des thèmes du Front national dans les gestes du peuple et dans les discours des leaders politiques, il ne faut peut-être pas trop insister pour ne pas éloigner un acheteur potentiel. Après tout, cela n’est qu’une histoire de pain au chocolat…
Oui, quand j’avais à peine plus de vingt ans, on m’a appris dans cette école, le sens de la hiérarchie de l’information et de la déontologie. Où est-t-elle cette déontologie affirmée dans la charte de Munich de 1971 ? Un signe encourageant tout de même : le syndicat national des journalistes (SNJ), réuni cette semaine en congrès à Villeurbanne a appelé à la création d’une instance déontologique des médias. Pour un retour à l’esprit de la charte de Munich en quelque sorte
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