Les trois constitutions

Avec ce premier mai commence une longue série de jours fériés encadrant des week-ends provoquant de multiples ponts, voire aqueducs. Voila qui va encore réveiller nos libéraux infatigables qui, lieux communs à l’appui, nous expliqueront que, décidément, en France on n’aime pas le travail. Et bien si ! Et nous l’aimons tellement, que nous le fêtons chaque année, tous ensemble, au soleil, un brin de muguet à la boutonnière ! Bon, pour cette fois, pour le tous ensemble, ça n’est pas vraiment cela. L’unité syndicale n’est pas au top de sa forme. Quant au soleil… Reste le muguet, chez soi, pour classer des vieux papiers.Brin de muguet Justement, hier, j’ai retrouvé un texte que je croyais perdu au fil des mes changements de disques durs. Les trois feuilles imprimées étaient glissées dans une pile de journaux, oubliés. Je me souvenais de l’avoir écris en fin d’année 2002. Après le choc du 21 avril, j’avais aussitôt pris contact avec un membre éminent du PS Quimpérois et immédiatement décidé de reprendre ma carte. Passé l’été, nous étions engagés dans une phase de réflexion qui devait aboutir au décevant congrès de Dijon. A l’époque, je soutenais Arnaud Montebourg dans son NPS (Nouveau parti socialiste) et sa volonté de bâtir une VIème république. Je lui avais envoyé mon texte, il m’avait répondu. Je n’ai plus trace de ces mels.

Et voila que je retrouve ce texte dont j’étais assez content à l’époque. Je le relis. Finalement, il n’a pas véritablement vieilli; Près de onze années plus tard, je n’aurais pas grand chose à ajouter ou retrancher : transparence, besoin de probité, mondialisation et choix européen… Tout, ou presque, est resté en l’état durant les deux septennats de Chirac et Sarkozy. Et quand j’entends les cris d’orfraie des parlementaires socialistes devant les projets de loi sur la transparence de la vie politique, je me dis que vraiment, ils n’ont rien compris ! Et ce ne sont pas les histoires de paiement en liquide et de vente de tableaux, pas très claires, d’un Claude Guéant, qui vont me rassurer. Je vous le livre donc, tel quel, sans la moindre correction. Son titre :

Les trois constitutions

« Depuis le 21 avril, la gauche socialiste tangue, vacille, se cherche, bref comme Paris, est battue par les eaux mais ne sombre pas. Elle ne peut pas sombrer car avec 142 députés, 82 sénateurs, des milliers d’élus locaux elle représente une véritable force politique dans le pays. Elle ne doit pas sombrer car au vue des décisions prises par le gouvernement Raffarin en six mois on est en droit d’être légitimement inquiet pour les années à venir. En mai on disait de lui qu’il était le faux nez de Juppé. Depuis, tout n’est plus que répression (contre la petite délinquance, contre les incivilités – mettons les gamins en prison et l’ordre règnera dans les lycées et collèges), et volonté de mise en place d’un ordre moral d’un autre temps. Monsieur Raffarin ne serait-il pas plutôt devenu le faux nez du petit Nicolas?
Face à ce constat que font les millions de citoyens qui avaient choisi la gauche plurielle en 1997, que propose le Parti Socialiste? Un congrès au printemps. Et bien, profitons de cette chance pour tirer les leçons d’un échec, imprévisible par sa violence et pour reprendre la fameuse formule « du passé faisons table rase ». rebâtissons les trois bases qui actuellement nous font cruellement défaut au niveau du Parti Socialiste, au niveau de la France et au niveau de l’Europe. Créons trois actes fondateurs que par commodité nous appellerons constitutions.
Tours, Épinay, Dijon
Le Parti ne s’est véritablement construit que dans le creux de la vague, dans la tourmente. 1920, scission de Tours. Imagine-t-on un Front Populaire si socialistes et communistes ne s’étaient, avant de s’unir, fédérés autour de deux axes proches et distincts à la fois. 1972, la gifle de 1965 et les 5% de Gaston Deferre ont fait comprendre que la troisième voie de Monsieur X était une impasse et que face à une SFIO discréditée, même replâtrée par Alain Savary, une nouvelle stratégie de conquête et d’exercice du pouvoir devait se mettre en place . Ce sera l’œuvre de François Mitterrand à Épinay. 1974 la presque victoire (à 425 000 voix près) , 1981 la belle victoire.
Aujourd’hui, où en somme nous? Il semble que le parti, dirigeants mais aussi militants, aient mal analysé les dix dernières années de notre vie politique. 1993, rejet d’une gauche éclaboussée par de sales petites, voire grosses, affaires. Le bébé ne méritait certes pas d’être jeté avec l’eau du bain, mais force est de reconnaître que l’eau était sale. Deux ans plus tard, Lionel Jospin s’incline avec les honneurs à la présidentielle. Il suffira de deux années supplémentaires pour qu’avec la complicité, bien involontaire, d’un Chirac dissolvant l’assemblée il n’intègre Matignon à la tête de la gauche plurielle.
Ce succès nous a fait oublier la profonde méfiance (occultée par la probité légendaire de Lionel Jospin) que les Français gardent vis à vis du monde politique. Les procès qui se succèdent, le comportement scandaleux du Président de la République refusant d’assumer son passé, n’ont pas favorisé un retour en grâce. Le Parti n’est pas blanc non plus : la difficile éviction de Roland Dumas, l’investiture récente d’un Jacques Mellick condamné pour faux et subordination de témoin , ne sont pas du meilleurs effet.
Dijon doit être un congrès refondateur créant de nouveau statuts démocratiques; Il doit être fini le temps ou l’on se gausse du mode électoral des sénateurs alors qu’il est le même que celui que nous appliquons pour désigner nos dirigeants, à due proportion du poids des courants. François Hollande a récemment dit que cette pratique ne devait pas être remise en cause. Il se trompe. Pour être crédible aujourd’hui, pour pouvoir revendiquer d’incarner l’axe majeur de la nouvelle majorité de gauche, nos dirigeants, à tous les niveaux, doivent être probes, (n’avoir jamais été condamné à une peine d’interdiction de ses droits civiques) et représentatifs (élu par l’ensemble des membres de l’assemblée qu’il représente). Il devra en être de même pour la sélection des candidats aux élections. Le folklore des congrès y perdra, le Politique y gagnera.
Ainsi écrirons nous notre première constitution.
La Vl° République
La constitution imaginée par de Gaulle et Debré (le père) est morte. Encore faut-il rédiger son acte de décès afin d’éviter l’application au grés des circonstances d’enfants bâtards plus différents les uns que les autres.
De Gaulle et Mitterrand sont morts. Élaborons une constitution pour homme ordinaire. Un exécutif unique, un législatif bicaméral comprenant une Assemblée Nationale dégageant une majorité (scrutin à dominante majoritaire) et un Sénat représentatif de la variété politique élu au scrutin proportionnel. Ajoutons un pouvoir judiciaire comprenant une magistrature assise et debout indépendante, avec un Garde des sceaux responsable de la politique pénale au travers d’instructions générales aux membres du Parquet. Voilà quelques idées en vrac qui, approfondies, doivent permettre de dégager un texte solide et moderne d’organisation des pouvoirs publics.
Reste le problème de la division du territoire. Il est évident qu’aujourd’hui existe un trop grand nombre de niveaux de décisions: commune, communauté de communes, département, région, État, soit cinq. Pour nous y retrouver un peu, tournons nous en arrière, et rappelons nous la création des département en 1790. Il fallait un territoire muni d’un chef lieu que l’on puisse atteindre aller-retour en une journée de cheval. Voilà une définition qui a passablement vieilli. Et pourtant, nombre d’hommes politiques y sont toujours très attachés (Mitterrand en était un farouche défenseur). Mais le citoyen lui, s’il est de Quimper, se dira, Quimpérois, Breton, Français, mais jamais Finistérien. Ce découpage ne se reconnaît que par un numéro sur une plaque minéralogique…
Cette state supprimée, développons la région, tout d’abord par un découpage respectant plus l’histoire et l’économie, que l’ambition de quelques baronnets locaux. Ainsi, faisons une Bretagne à 5 départements, fusionnons les haute et basse Normandie…Retrouvons peut-être la vielle notion de Pays. C’est alors à ce niveau, et à celui là seul que l’on pourra développer la notion de décentralisation et d’expérimentation. Descendre à un échelon plus bas risquerait de trop favoriser le clientélisme que, malheureusement, ni la droite ni la gauche, n’ont pu éviter dans leur rang.
Ainsi écrirons nous notre deuxième constitution.
Europe An 1
Si notre Vl°république ne comporte plus que quatre niveaux décisionnels, nous ne pouvons oublier l’échelon supérieur l’Europe : imaginée au sortir d’une guerre atroce, à six, puis étendue à dix, à 12, et aujourd’hui à quinze. l’Europe est mal comprise, accusée de bien des maux (parfois à raison mais souvent à tort). En fait, elle recèle en elle deux vices congénitaux : son domaine de compétence quasi exclusif (la Communauté Économique Européenne…) et son absence totale de démocratie dans la désignation de ses organes dirigeants. Il est tout de même paradoxal que l’élément le plus démocratiquement élu (l’assemblée européenne) ne soit pas le plus important dans la prise de décision.
Il aurait sans doute été souhaitable que cette constitution européenne ait été approuvée avant l’élargissement aux pays de l’Europe de l’Est. Le traité de Nice ayant été ratifié par l’ensemble des membres de l’Union, il conviendra de travailler à marche forcée. Robert Badinter a rédigé un projet qui semble intéressant mais pêche sans doute par une organisation trop complexe des pouvoirs publics. Or, pour qu’une décision soif admise par l’individu, plus l’autorité dont elle émane est éloignée, plus, cette autorité doit être facilement identifiable. .
De plus, alors que l’on n’a jamais tant parlé de mondialisation, on constate que les pays membres de l’union européenne «jouent perso» dans nombre de domaines face au gigantisme de l’empire américain. Plutôt que de nier un fait (la mondialisation), il conviendrait que l’Union européenne se dote de règles sociales, policières, judiciaires et diplomatiques, sinon identiques, du moins proches, et en tout état de cause pas antinomiques.
Ainsi écrirons nous notre troisième constitution.
Il y a deux cents ans naissait un auteur qui devint célèbre avec un ouvrage « Les trois Mousquetaires », dont la subtilité voulut que ces mousquetaires fussent quatre. Alors, nos trois constitutions ne pourraient-elles pas être quatre, elles aussi? Nous parlerions alors d’une constitution mondiale qui redonnerait un peu de lustre à l’ONU et à ses résolutions en les faisant appliquer quelque soient les pays concernés. la 242 comme la xxx qui va vraisemblablement autoriser prochainement la guerre contre l’Irak.
Alors, avec nos quatre constitutions nous aurons réconcilié décentralisation et mondialisation.
Joël COATMEUR Adhérant au P S Fédération du Finistère – décembre 2002 »

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