Le petit garçon et les allumettes

Craquer une llumette

En ce temps-là, il y a maintenant bien longtemps, il était un petit garçon qui avait de bien belles ambitions. Il ne savait pas encore ni pourquoi, ni comment, mais était persuadé que sa vie serait merveilleuse. Un jour, alors qu’il déambulait dans les rues de la ville, son pied heurta un objet, pas bien lourd, mais assez volumineux tout de même. L’objet roula dans le caniveau à moitié rempli de feuilles mortes. Il s’agenouilla et le pris entre ses petites mains d’enfant. Ce n’était qu’une vulgaire boite d’allumettes format familial. Il allait la laisser retomber dans l’ornière quand une inscription en lettres d’or le frappa : « Allumettes magiques » ! Et en dessous, écrit plus petit : « Ces allumettes magiques te permettrons d’exaucer tes rêves les plus fous ». Le jeune garçon voulu aussitôt tester ces buchettes merveilleuses. Il s’assit sur le bord du trottoir, mais, impossible d’ouvrir la boite. Déçu, il mit la boite dans sa poche et rentra chez lui.

Bien des années plus tard, François, c’était le nom du petit garçon, était toujours rongé d’ambition mais ne parvenait pas vraiment à devenir ce personnage de roman qu’il ambitionnait d’être. Le mitan de sa vie était déjà passé et s’il avait connu d’honorables succès, cette reconnaissance suprême qu’il cherchait lui échappait toujours. Un jour qu’il déménageait son bureau, au fond d’un tiroir, il tomba sur cette boite d’allumettes trouvée alors qu’il était enfant. Il sourit, se souvenant des folles espérances que sa découverte avait un instant engendré autrefois. Il la fit tourner entre ses doigts et, machinalement tenta de l’ouvrir. Sans résistance, la boite coulissa sur elle-même offrant, bien rangées dans l’écrin, des petites tiges à l’extrémité boursoufflée et rougie. François en pris une, frotta le phosphore. Une lueur jaillit, petite, puis, grandissante, envahit toute la pièce, transportant François dans un monde nouveau où il devenait celui qu’il avait toujours rêvé d’être. Décidant de tout ou presque, façonnant le monde à son désir, bâtissant des pyramides tel un pharaon des temps modernes. A un moment, la lueur commença à trembler, à pâlir, mais François craqua alors une nouvelle allumette et tout recommença, peut-être avec moins de brillant, mais tout de même… Et puis soudain, tout s’éteint. Et François lui-même quitta ce monde.

Les années passèrent. Un autre homme, qui jeune encore avait connu François et le vénérait, voulu prendre son exemple. Curieusement, il s’appelait également François. On ne sait trop comment, un soir de désarroi, comme il luttait contre les vents contraires de son ambition, il trouva la veille boite d’allumettes. L’inscription « Allumettes magiques » était toujours visible, bien qu’un peu délavée. L’homme sourit songeant à un clin d’œil du destin. Il ouvrit la boite et découvrit une quinzaine de bâtons. Il fit craquer une allumette et, comme autrefois, une grande lueur envahit François en le plongeant dans le monde de ses désirs. Mais, très vite, la lueur faiblit. François craqua une nouvelle allumette, puis encore une autre. A chaque fois, la lueur remontait un instant mais très vite rebaissait. François usa ainsi une dizaine de buchettes, mais tout s’éteint…

Il y a quelque temps, un groupe d’anciens amis (Anne, Christiane, Yannick, Jean-Luc, Fabien, Arnaud) ont retrouvé par hasard la vielle boite d’allumettes. Chacun, à tour de rôle, a tenter de l’ouvrir… en vain. L’inscription « Allumettes magiques » de plus en plus délavée, n’était désormais plus véritablement lisible. Quand, désabusée, Anne a jeté l’objet dans une poubelle, la boite s’est ouverte, découvrant les cinq dernières allumettes, gagnées par l’humidité, envahies de moisi, devenues totalement inutilisables…

2 Comments

  1. Abattus et tristes…
    J’espère que ton conte n’est pas prémonitoire…
    Même la lumière des fêtes n’est pas sans nuages
    Et je ne vois pas le bout du tunnel!

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